Le coronavirus peut projeter les ressources humaines dans le 21e siècle.

#covid-19 #marché de l'emploi

12 mai 2020

Le nouveau livre de Peter Hinssen, auteur et entrepreneur, est sorti au début mars : The Phoenix and the Unicorn. Il explique comment les entreprises peuvent renaître de leurs cendres telles des phénix grâce à l’innovation et attribue un rôle crucial aux RH. En cette période marquée par le coronavirus, ses recettes revêtent une connotation particulière. « Le coronavirus peut projeter les RH dans le 21e siècle », dit-il sans détour.

Beaucoup décrivent la crise engendrée par le coronavirus comme un tournant dans les relations entre les entreprises et leurs travailleurs. Partagez-vous cet avis ?

« C’est à la fois un tournant et une accélération. À l’image des banques qui ont subi un « stress test » en 2008, les entreprises sont actuellement soumises à un test de résistance numérique. Une entreprise découvre maintenant si elle peut continuer de fonctionner dans un monde où le numérique est la norme. C’est une chance d’avoir vécu cette évolution numérique plus rapidement à la maison qu’au travail. Tout le monde a le haut débit pour pouvoir regarder Netflix, ce qui nous sauve aujourd’hui. Je considère l’impact sur les relations avec les travailleurs comme une sorte de courbe de montagnes russes. À un moment donné, le lieu de travail va nous manquer. Une fois que la situation actuelle aura pris fin, nous serons très heureux de rassembler tout le monde. Je m’attends à une sorte d’effet boomerang. La touche humaine dans la politique des travailleurs devient quelque chose de précieux. »

Selon vous, quelle est la leçon la plus importante pour les employeurs ?

« Le plus important est que les employeurs vont devoir réfléchir d’une certaine manière à une série d’éléments qu’il y a lieu de réexaminer dans le contexte de cette nouvelle normalité. Comment allons-nous mesurer l’output du personnel et comment allons-nous le récompenser? La prestation d’heures est une notion issue de l’ère industrielle. Cette crise démontre que les prestations sont liées à l’output d’un travailleur, et cela signifie qu’il faut gérer la confiance d’une autre façon. Si les entreprises veulent adapter leur modèle opérationnel à ce contexte en évolution rapide, la confiance en tant que facteur culturel y joue un rôle essentiel. »

En d’autres termes, les entreprises qui veulent contrôler strictement leurs télétravailleurs ne s’y prennent pas bien ?

« C’est compréhensible, car il s’agit d’une prolongation de la culture du contrôle datant de la façon de penser à l’ère industrielle. Ces dernières semaines, j’ai beaucoup pensé à Frank Van Massenhove, qui a été un pionnier en instaurant avec succès le télétravail au SPF Sécurité sociale. Ses principaux opposants étaient au départ les syndicats, car ils craignaient que ce soit un moyen de faire travailler encore plus les travailleurs. Ils ont insisté sur des mesures à la microseconde près, mais après un certain temps, ils ont été étonnés par l’impact positif sur la qualité de vie des employés. La mesure est devenue d’elle-même une absurdité totale. De cette façon, vous passez automatiquement à un autre contrôle: non plus en temps, mais en output. Un tel changement de mentalité a besoin de temps mais nous allons connaître une accélération parce qu’il est impossible de faire autrement. »

Dans The Phoenix and the Unicorn, vous expliquez comment, grâce à l’innovation, des entreprises peuvent ressusciter tels des phénix. Comment préparer des départements tels que les RH et la R&D en pleine crise ?

« C’est un moment incroyablement propice pour identifier les points sensibles. Il serait regrettable qu’après cette crise, nous nous y prenions de la même façon que ces dix dernières années. Le moment est venu de réfléchir: comment mon entreprise va-t-elle se concentrer davantage sur l’output des travailleurs, comment allons-nous gérer différemment la confiance, le contrôle et les incentives? Concrètement, cela signifie qu’il faut maintenant réfléchir à la manière de mieux motiver le personnel à prendre ses responsabilités sur des sujets concrets. Les formations ou les vacances, par exemple. »

Quels sont de bons exemples d’entreprises qui le faisaient déjà avant cette crise ?

« Ce que des banques comme KBC et Belfius, par exemple, sont en train de faire en est un très bel exemple. Ces entreprises ont connu des moments très difficiles, mais s’en sont sorties brillamment. Elles ont livré la bataille numérique, mais ont également recherché un nouvel équilibre. Elles ont dû accueillir de nouveaux travailleurs et intégrer le plus possible leur personnel existant dans leur nouvelle organisation. Elles sont devenues de beaux exemples d’entreprises qui essaient vraiment de faire les choses différemment, y compris dans les ressources humaines. Ce sont des exemples que nous devons cultiver en Belgique. »

Sur le plan pratique, à quoi un département des ressources humaines doit-il s’atteler pendant cette crise ?

« Je pense qu’il est nécessaire de tenir une sorte de journal de bord ou de rapport concernant tous les points d’action que les RH doivent traiter et qui pourront être abordés quand les choses se seront un peu tassées. Est-il encore utile d’établir des budgets annuels? Est-il encore judicieux de se fonder sur ces anciennes structures hiérarchiques? Les RH doivent s’éloigner du rôle purement transactionnel du passé et deviennent cruciales dans le changement de la culture d’entreprise. Elles peuvent vraiment être le moteur du changement au sein de l’entreprise. Elles devraient mettre l’accent sur l’inspiration et la motivation à travailler d’une manière différente. C’est dans ce rôle que vous pourrez voir la résurrection des HR. Parallèlement, je pense qu’à l’heure actuelle, les services des ressources humaines se familiarisent également avec le squelette et les questions liées à la capacité. Ce test de résistance indique clairement le nombre de personnes dont vous avez réellement besoin dans votre entreprise. C’est une période passionnante pour évaluer la capacité d’emploi. »

Quel sera l’impact de cette crise sur l’avenir du travail intérimaire ?

« Les entreprises devront devenir plus agiles, ce qui signifie que la flexibilité gagnera en importance. Et cette flexibilisation du travail sera très intense. Cela paraît étrange, car cette période est loin d’être évidente pour le secteur de l’intérim. Une entreprise comme Randstad peut devenir un phénix parce que le besoin de travail flexible va augmenter. Les pouvoirs publics devront également coopérer. Ce fut le dernier bastion qui est passé plus lentement au numérique. Une occasion extraordinaire se présente actuellement de porter un autre regard sur l’emploi, par exemple dans le secteur public. Ne vous y trompez pas, ce ne sera pas la dernière crise. Nous devrons apprendre à réagir aux crises, et le travail ne doit en aucun cas être un obstacle. »
Cet article a été initialement publié sur Randstad Belgique

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