Managers : comment ont-ils géré la crise ?
8 juin 2020
La récente crise sanitaire et le confinement liés à l’épidémie de Covid-19 ont bouleversé les conditions d’activité dans la plupart des secteurs. De nombreux managers ont dû repenser complètement l’organisation des projets et la gestion de leurs collaborateurs. Quels défis ces capitaines ont-ils dû relever pour amener leur équipage à bon port ? Quelles leçons de travail (et de vie) en ont-ils retiré ? Les témoignages de trois responsables d’équipes.
Les défis
1. Le manque de visibilité
L’impossibilité d’accéder au lieu (et aux outils) de travail ainsi que d’échanger en chair et en os avec les collaborateurs a compliqué la vie des managers.« La distance avec les équipes et le manque de contact engendre une plus grande perte de visibilité sur les activités et l’atteinte des objectifs de chacun », constate Samuel Barbas, directeur conseil et directeur de département PMP chez Dialog Insight. Le risque ? Une baisse de productivité. « Les réunions en visio-conférence deviennent des échanges autant sociaux que professionnels, tout le monde souhaitant interagir avec d’autres humains autant que possible. Les gens travaillent plus longtemps, mais on ne sait pas trop si la performance est au rendez-vous. »« C’est le plus compliqué pour un manager : ne pas voir ce qu’il y a en face », observe aussi Thomas Giraud-Castaing, directeur de création de l’Agence Zoorit. « Cela a nécessité de faire beaucoup plus de délégation, de naviguer à vue, voire à l’aveugle pendant les 2 premières semaines. »
2. Gérer l’incertitude
Cette crise sanitaire exceptionnelle a engendré une angoisse palpable, et a contraint les managers à jongler entre les impacts à la fois économiques et humains.
« Le plus difficile est de gérer le risque financier », estime Samuel Barbas. « D’un côté, on veut offrir aux collaborateurs un certain confort, alors nous avons fait livrer des écrans et autre matériel informatique. Mais il est compliqué de gérer les achats sans savoir si la crise sera terminée juste après et si nous nous retrouverons avec un surplus de matériel. »
« Financièrement ce n’est pas simple, il y a eu un vrai ralentissement économique », confirme Thomas Giraud-Castaing. Mais c’est l’aspect humain et organisationnel qui lui a le plus posé problème. « Avec le recul, j’aurais pu mieux gérer les moments de déprime. Et aussi amener dès le début une organisation plus rythmée dans un moment de chaos. C’est aussi ça la posture managériale : savoir rassurer les gens sur le fait qu’on maîtrise une situation, alors que ce n’est pas forcément le cas. »Marie Dominique Straforini, directrice commerciale chez Randstad France, a connu une expérience similaire. « Il y a eu une période de stress, d’angoisse, parfois d’incertitude du lendemain. On était dans une espèce de tornade et on ne savait pas ce qu’allait être demain. Mais ça s’est assez vite rétabli. Il a fallu rapidement reprendre contact avec chacun de nos clients, garder un lien constant avec eux, les écouter et les comprendre.
3. S’adapter aux changements
« Certains aspects de notre activité ont diminué, d’autres ont augmenté, notamment le digital », rapporte le directeur de l’agence de publicité Zoorit. « Il a fallu réadapter les ressources selon nos moyens. » Le télétravail a bien entendu lui aussi apporté son lot de réorganisations. « Le plus compliqué a été pour les parents qui ont dû composer avec beaucoup d’impératifs à la fois, et des journées à rallonge où les limites entre vie professionnelle et vie privée n’étaient pas claires », affirme Thomas Giraud-Castaing.
Pour Samuel Barbas, les difficultés sont d’ordre humain et logistique. « La mise au chômage partiel de plusieurs collaborateurs a résulté en une charge plus importante de travail pour les autres », rappelle-t-il, « donc malgré la réduction de la charge globale de travail, certains sont tout aussi fatigués qu’après une période intense. » Cela transforme en outre la gestion des vacances en véritable casse-tête : « ceux qui ont travaillé voudront des vacances bien méritées et ceux qui ont été en arrêt n’ont pas pu profiter de ce temps libre et voudront aussi les vacances auxquelles ils ont légalement droit. Il faudra jongler entre ancienneté et qui a travaillé pendant la crise. »Parmi les changements à gérer : un surcroît de travail pour Marie Dominique Straforini, directrice commerciale de Randstad : « l’activité de notre service n’a pas fléchi, donc dès le confinement mon équipe et moi-même avons dû faire face à un volume de travail important et très en urgence !» D’autant qu’il s’agissait d’un travail différent : « beaucoup d’administratif et de gestion des demandes importantes de nos réseaux».
Les enseignements
Redécouvrir son équipe
Entre mise à l’épreuve et révélations, la crise a toutefois permis de faire émerger certains points positifs, dont l’importance du relationnel.
« Cela nous a permis d’échanger avec plus de personnes », note Thomas Giraud-Castaing. « On va garder ce principe de ne pas forcément mettre tout le temps les mêmes personnes ensemble dans l’espace de travail. » Le chef d’entreprise souligne également avoir été impressionné par l’attitude de ses collaborateurs, qui ont démontré une grande capacité à la concentration et au travail à distance. « J’ai découvert des gens autonomes, investis, responsables, qui ne lâchaient pas l’affaire et en ont même fait plus que d’habitude durant les coups de bourre. »
Pour le Directeur Conseil de Dialog Insight, la qualité humaine de l’équipe a aussi été un atout. « L’équipe étant bien soudée, nous avons fait quelques activités virtuelles en incluant les collègues au chômage partiel. » Cela lui a même fourni des pistes pour améliorer sa position de gestionnaire en mettant davantage l’accent sur l’humain : « Si c’était à refaire, j’aurais pris moins de charge de travail et je me serais rendu plus disponible pour faire un point quotidien avec chaque employé pour m’assurer de son bien-être, qu’il sente un soutien tangible ».Le manque créé par le fait de ne plus côtoyer son équipe a aussi engendré une belle dynamique humaine pour la Directrice commerciale de Randstad : « J’ai beaucoup échangé avec les équipes, on a parlé de leur famille, de leur bien être… On a créé un groupe Whatsapp, il y avait un lien en permanence. L’essentiel était de garder l’unité, de se dire les choses. Et puis assez rapidement sont revenus les rires. »La façon dont on manage une crise imprévue peut aussi faire émerger ou confirmer ses propres qualités de manager et renforcer les liens avec les collaborateurs. « Dans cette situation, je me suis dit : je vais prendre en main mon management et l’adapter. Il a fallu se doter d’une communication limpide, parce que nécessaire », confie Marie Dominique Straforini. « Ce que j’avais décidé de faire encore plus qu’en temps normal, c’était de répondre systématiquement à leurs demandes. C’est la ligne de conduite que je me suis donnée : ne jamais les laisser sans réponse. »
Les vertus du télétravail
Le télétravail imposé durant la crise sanitaire a montré à certains l’étendue de ses avantages. « La vraie révélation a été l’investissement en télétravail de la part de tout le monde », se réjouit le directeur de Zoorit. Complètement contre avant, il est désormais « pour à 200 % ». « La difficulté s’est transformée en façon nouvelle de travailler. Cela a été un signal assez fort et un révélateur à plein de niveaux de l’organisation, sur le fait qu’on avait certes besoin de se voir mais pas forcément de passer nos journées ensemble. » Au point de le motiver à revoir toute l’organisation de l’agence pour instaurer 50 % de télétravail de façon permanente.
« On avait une meilleure productivité. Le lâcher-prise améliore aussi l’autonomie et la confiance en soi des salariés. Et puis mieux les gens sont dans leur peau, plus ils sont créatifs. »
L’importance de l’équilibre vie pro/vie perso
L’un des enseignements les plus importants de cette crise – et, par ricochet, d’un télétravail bien géré – est la nécessité de repenser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. « On s’est rendu compte que l’on courait après quelque chose d’absurde », insiste Thomas Giraud-Castaing, « 40 minutes de bouchons le matin, manger sur le pouce, entamer sa double journée le soir… On veut aujourd’hui améliorer l’équilibre vie pro/vie perso, s’organiser différemment pour se laisser le temps de vivre ». Finalement, admet-il, la gestion de cette crise aura permis de « remettre les choses à leur place ».
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