Quand la motivation change soudain

#motivation #productivité

18 novembre 2019

Avant j’adorais mon boulot… Je me levais comme propulsé par un ressort, je chantais l’opéra sous la douche en pensant à la journée de gloire et de plaisir qui s’annonçait, je fonçais à mon bureau, j’avais des ailes.

Par Serge Grudzinski

Au bureau, ce n’était que compétences, vivacité, charme. Mes collègues étaient beaux, intelligents, drôles. J’avais la chance d’être accepté par cet univers parfait qui me donnait une place de choix pour remplir une mission qui me comblait de sens : accélérer la mobilité de mes congénères sans un gramme de CO2 ou bien leur fournir des services internet qui allaient embellir leurs vies d’un simple clic. Bref, j’allais sauver la planète et porter la race humaine à une dimension jamais imaginée, ce de façon hyper rentable. J’avais la tête pleine de « visions », de « missions » proférées en boucle par la Direction Générale, je visais haut.

Comment mon entreprise m’a coupé les ailes…

Puis, on m’a initié aux process, aux procédures, aux contraintes multiples des infinies réglementations qui donnent à notre monde tant de sécurité… et tant de pesanteur. Manu militari, on m’a rompu à toutes ces paperasseries (- sinon, ça passera jamais) qui ont occupé mes journées entières jusqu’à casser mon enthousiasme. Au diable la vision de créer un monde nouveau, courbe-toi sur ton formulaire !Aujourd’hui, à la perspective de passer une nouvelle journée à faire la chasse à l’info inutile, je peux à peine me lever tellement je pèse trois tonnes. J’erre dans mon appartement, d’un café à une cigarette et d’une cigarette à un café afin de retarder au maximum le moment où je devrai prendre cet itinéraire honni. Via un métro insupportable bourré de malheureux qui vont comme moi s’enchaîner à leur clavier pendant des heures les yeux rivés sur des écrans couverts de lettres et de chiffres élevés au rang de Data, aussi big que possible.Arrivé au bureau, mon regard glauque ne m’empêche pas de voir ces « tronches de cake », témoins de ma résignation et de mon malheur, qui m’énervent mais qui m’énervent ! Comment ai-je pu tant les aimer ? Mon manager avec son sourire de faux Dujardin et son attitude supérieure qui me relègue à la condition d’hamster pédalant dans sa roue, qui nous force à écouter pendant des heures ses anecdotes privées qui augmentent encore notre retard.

Petits arrangements avec la réalité

Heureusement que d’interminables réunions m’éloignent de mes procédures. Je m’évade. Je m’évade au sommet des montagnes et au fond des canyons, je prépare mes prochaines vacances. Ce qui me sauve aussi, c’est ce fameux écran omniprésent derrière lequel chacun se cache. J’ai astucieusement placé le mien pour qu’il ne soit pas visible de l’extérieur de mon bureau et, loin des process, je surfe et je surfe sur internet. Jamais ma culture générale n’a fait un tel bond. Je deviens incollable sur la vie intime de Kim Kardashian, sur les discours d’Emmanuel Macron (et non le contraire). Le cours du bitcoin comparé au lingot d’or n’a plus de secrets pour moi ni le rôle-clé des asticots dans la permaculture. Grâce aux généreux tuto de YouTube, je deviens même expert es réparation de motoculteurs.Je souffre mais je survis. A force de m’évader en cachette, je souffre de moins en moins. Mon boulot devient de plus en plus virtuel. Je me rends même compte qu’être au boulot regorge d’agréments. Avec des collègues aussi (dé)motivés que moi, nous nous prélassons des heures à la machine à café à refaire le monde de fou rire en fou rire. Grâce à l’empowerment que des consultants zélés essayent d’inculquer aux managers, ceux-ci me donnent de plus en plus de liberté. Mes déjeuners à l’extérieur s’étalent, du brunch au goûter. Mes amis, jadis trop délaissés, saluent ma nouvelle joie de vivre (- C’est ton boulot qui t’épanouit comme ça ? et moi de rougir). J’ai le temps de faire des courses, mon élégance reprend du service. Et, même si les prix augmentent, mon salaire confortable, qui s’apparente de plus en plus à un « salaire universel » sans laborieuse contrepartie, me permet de faire face à ces dépenses.Bref, la vie est belle, le soleil brille. Tout le monde me trouve en pleine forme, rayonnant d’une nouvelle énergie. Une légèreté méconnue flotte dans ma vie, je me fous de tout…

La fin d’un bonheur

Un matin, mon boss me croise : « tu pourras passer me voir ? ». Il n’a pas l’air à la fête. Aïe ! Tout bonheur ayant une fin, il va falloir que j’aille trouver du sens et, accessoirement, un salaire dans une autre société (- mais pourquoi ?! -tu te fous de ma gueule ? – ah… tu t’es rendu compte …). Au moins, cet épisode d’« auto-ressourcement» à base de farniente et de douce inconscience m’a-t-il fait découvrir de nouvelles facettes de ma personnalité. Une sorte d’auto-thérapie qui n’aura pas coûté plus cher à ma société qu’un arrêt-maladie. Même si la prochaine étape de ma vie professionnelle s’avère moins facile, je serai mieux armé pour l’affronter.Le coup de cœur blogueurStupeur et tremblements, d’Amélie Nothomb

Bio du blogueur :

Serge Grudzinski
Serge Grudzinski

Serge Grudzinski

Polytechnicien diplômé de Stanford, Serge Grudzinski est consultant en Management et en Ressources Humaines et artiste comique (auteur et comédien de one-man-shows sous le pseudonyme de Manager Max). Fondateur d’Humour Consulting Group, il intervient depuis vingt-cinq ans dans les entreprises en France et dans le monde pour faciliter le changement et motiver les équipes.Serge Grudzinski a publié « Laugh to lead : quand le Rire débloque, soigne, rassemble et motive les entreprises » dans lequel il explique la découverte d’un rire extrême, « le Grand Rire Unanime » qui, par ses effets impressionnants- presqu’incroyables- sur l’être humain, améliore considérablement la motivation des équipes dans tous les changements qu’elles traversent.

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