le culte du mindset positif, par Lisa Delmoitiez.

Qu’ont en commun le petit général qui a perdu à Waterloo, l’inventeur de Mickey et la citation accrochée à mon infusion à la verveine ? Ils participent tous à cette culture du « mindset positif » qui veut nous convaincre que pour devenir un « winner », il suffit d’y croire. Sauf que vous savez quel projet tout le monde pensait positif ? Le Titanic. Plein de bonne volonté sur ce bateau, certes. Mais aussi : un iceberg. Alors continuez à lire, je vais vous autoriser à avoir une mentalité de loser.

si on veut, on peut… pas toujours. 

De nos jours, on nous fait croire que tout dépend de nous et de notre état d’esprit (alias mindset). La photocopieuse est à sec ? Soyez le Dieu de l’open space et transformez l’eau en encre ! 🪄 

Sauf que dans les faits, on ne contrôle pas toujours tout et on a parfois, vraiment, besoin d’aide. Non seulement, l’injonction à l’optimisme culpabilise. Parce que si le succès ne dépend que de nous, alors l’échec aussi. 

Et qu’on se le dise : un employé qui n’abandonne jamais, c’est souvent un employé épuisé. Parce que la dernière phrase qu’un collègue dit toujours avant de partir en burn-out, c’est : tout va bien, je gère. 

le déni commence là où la pensée positive s’arrête.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Tout projet nécessite une bonne dose d’espoir. Mais la frontière entre le mindset positif et le déni est parfois fine. Se dire qu’on peut se dépasser, c’est bien. Se convaincre que pour sauter d’un avion, ce qui compte, c’est moins le parachute que le sourire, c’est sous-évaluer les effets de la gravité sur le corps humain. 

La réalité, c’est que l’optimisme peut en fait devenir du déni et donc, une forme  d’incompétence ou d’ignorance. On le connait tous ce collègue qui vous convainc que vous êtes prêt pour votre présentation de demain alors qu’il veut juste arriver à temps à l’after-work pour profiter de l’happy hour. Bonne chance pour expliquer au patron le lendemain que, certes, il vous manque le bilan des trois derniers trimestres, mais hier, c’était un cocktail acheté = un cocktail offert. 

le pessimisme, ça sauve des vies.  

En ignorant les problèmes, non seulement, on ne va pas les solutionner. Mais, en plus, on risque de les empirer. Barbara Ehrenreich, auteure de multiples enquêtes sur le rêve américain, va même jusqu’à dire que c’est le célèbre optimisme des américains toujours souriants qui les a conduits à l’explosion de la bulle financière des subprimes ou encore au chaos en Irak. Donc la prochaine fois que votre collègue-rayon-de-soleil envahit votre bureau de son enthousiasme débordant, n’hésitez pas à lui exploser sa bulle à coup de mauvaises nouvelles. Vous pourrez lui dire de ma part que c’est une leçon apprise des Etats-Unis, eux qui sont toujours en avance sur nous : le pessimisme, ça sauve des vies ! 

parler de ce qui ne va pas pour aller mieux. 

Il va de soi qu’il est possible de trouver un équilibre entre le collègue constamment porteur de mauvaises nouvelles et celui qui fonce dans le mur avec le sourire. La psychologue Gabriele Oettingen, auteure de l’ouvrage “Rethinking positive thinking” propose ainsi de visualiser les défis qui se dressent sur notre chemin, au lieu de visualiser sa réussite. Entre le déni et la peur de l’échec, sa pensée se concentre plutôt sur les efforts à fournir pour atteindre un objectif réaliste. Et à ce sujet, je vous laisserai sur une citation inspirante : …

Non, je rigole. Continuez juste à vous plaindre (un peu), célébrez votre mindet de loser parce que ce n’est qu’en identifiant les problèmes qu’on peut trouver comment les résoudre.

par Lisa Delmoitiez.

Lisa Delmoitiez est une auteure et humoriste belge de 32 ans, elle mène de front une carrière sur les planches (son spectacle “Remontada” a été en tournée en France et en Belgique jusqu’à début 2025) et de chroniqueuse radio dans l’émission “La Bande Originale” sur France Inter, elle a également participé à l’écriture du podcast littéraire et humoristique “Imagine ça parle de ça”.