syndrome de l’assisté : pourquoi l’IA pourrait nous rendre fainéant ? par Lisa Delmoitiez.
28 octobre 2024
Vous savez ce que j’aime chez vous ? Oui, vous… Votre paresse. Cette inventivité que vous mobilisez pour arriver à en faire le moins possible. Comme lire cet article, déjà, au lieu de bosser. Je suis fascinée par ce que l’Homme est prêt à faire pour en faire moins : il en a tellement marre de faire le ménage qu’il a inventé un robot aspirateur. Tellement marre de replier une carte qu’il a inventé Google Maps. Tellement marre de réfléchir qu’il a inventé ChatGPT.
Enfin bref, vous m’avez comprise : notre paresse nous a poussés à inventer des outils d’Intelligence Artificielle qui nous poussent eux-mêmes à être encore plus paresseux. Et tout ça nous entraîne dans un cercle vicieux qui n’a qu’une issue possible : la sieste. Des millénaires d’évolution pour enfin réussir à coder des robots qui pour permettent de ne rien faire. Et donc, de ne plus évoluer. L’homo sapiens : tout ça pour ça !
l’IA, ce collègue dont on ne se méfie pas.
La plupart des articles qu’on peut lire sur l’Intelligence Artificielle sont assez alarmants, décrivant un ennemi pernicieux qui va nous dépasser. On en oublierait presque que c’est nous qui l’avons créé, invité dans nos bureaux et nos foyers. Et on peut sincèrement s’en féliciter, comme en témoigne l’exploit de ce responsable SI (système d’information) qui a réussi à automatiser une partie de son travail.
Le danger n’est alors pas tant l’Intelligence artificielle qui nous fait gagner du temps, que ce que l’être humain va choisir de faire avec le temps gagné. Soyons honnête, si on gagne du temps : ce n’est pas pour en perdre dans des tâches supplémentaires. Comme quand on s’est rendu compte pendant le covid que des mois de confinement s’ouvraient devant nous. Est-ce qu’on en a profité pour enfin lire tout Proust et apprendre l’espagnol ? Non plus. On a juste fini Netflix et battu notre record de journées sans prendre de douche. Huit pour ma part, je ne suis pas peu fière.
Il faut donc se méfier de nous, et de ce que la technologie dit de nous, aussi, par comparaison. L’IA, c’est ce collègue sympa dont on ne se méfie pas, celui qui vous propose de faire des recherches pour vous ou de rédiger votre mail. Seulement voilà, il n’y a pas que vous qui allez vous rendre compte qu’il bosse mieux. Il y a aussi votre employeur. Vos collègues… De quoi vous motiver à garder l’information pour vous et rester paresseux dans votre coin, en toute discrétion.
il faut obéir à la loi, y compris celle du moindre effort.
De nombreux transhumanistes affirment que l’Intelligence Artificielle est une aubaine pour l’Homme puisqu’elle boosterait son potentiel d’évolution. Mais c’est sous-estimer la loi universelle qui régit nos vies : celle du moindre effort.
On l’observe déjà entre collègues avec le phénomène du loafing : plus on est nombreux à travailler sur un même projet, moins on va individuellement fournir d’efforts. Certains plus que d’autres, évidemment. On se souvient tous des travaux de groupe durant nos études : il y en a un qui rédigeait tout, un qui tirait la couverture à lui pendant la présentation orale et un autre dont on découvrait en juin qu’il n’était même plus inscrit à l’école depuis octobre. Et cette déresponsabilisation risque de s’accroître avec l’IA.
Qu’on se le dise : mon robot-aspirateur ne m’a pas rendue plus maniaque. Maintenant, je m’amuse juste à manger mes biscuits en marchant pour le voir me suivre à la trace. J’habite seule, aussi… C’est ma seule compagnie… C’est ce qu’on appelle l’ostéoporose cognitive : de la même manière qu’en bougeant moins, nos muscles s’atrophient et en réfléchissant moins, nos cerveaux vont s’atrophier. J’arrive peut-être plus souvent à l’heure avec Google Maps. Mais depuis que je l’utilise, je ne connais plus ma gauche et ma droite (sauf en politique, mais je dirai rien… je ne veux pas me couper de la moitié du lectorat).
moins de peur, plus d’efforts.
Tout ceci étant dit, l’heure ne devrait pas être à la panique. Si le danger est moins l’IA que notre rapport à elle, ça veut dire que c’est encore nous qui avons le contrôle. À nous alors de nous motiver pour remplacer le temps et les ressources gagnées par des choses utiles. Moi, par exemple, comme c’est mon téléphone qui stocke les numéros, ça m’a laissé plus de place dans ma mémoire pour retenir toutes les paroles des chansons de Kyo depuis maintenant 20 ans. Je serais incapable d’appeler ma mère de tête mais j’ai longtemps parcouru son corps, effleuré son visage… j’ai trouvé de l’or… Je viens de citer des paroles de Kyo, hein. Je ne parle pas de ma mère, je n’ai pas parcouru son corps… Waw. Comme quoi, j’aurais peut-être dû demander à Chat GPT d’écrire une fin moins gênante à cet article. Ça m’apprendra à être paresseuse…
par Lisa Delmoitiez.
Lisa Delmoitiez est une auteure et humoriste belge de 32 ans, elle mène de front une carrière sur les planches (son spectacle “Remontada” est en tournée en France et en Belgique jusqu’à fin 2024) et de chroniqueuse radio dans l’émission “La Bande Originale” sur France Inter, elle a également participé à l’écriture du podcast littéraire et humoristique “Imagine ça parle de ça”.
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