se définir par son travail : et si on arrêtait ?
28 septembre 2022
« Tu fais quoi dans la vie ? »
Malgré les récents bouleversements de notre rapport au travail, et le désamour des français pour la valeur travail, cette question demeure un réflexe dans les échanges sociaux. D’où nous vient ce lien entre travail et statut social ? Et surtout, pourquoi serait-il bon de s’en défaire ?
le travail au centre de notre identité
Notre société « est la première à suggérer que nous devons chercher à travailler même en l’absence d’un impératif financier, l’idée étant que le chemin vers une existence dotée de sens doit passer par le portail d’un emploi », constate le Journaliste et Philosophe Alain de Botton dans son ouvrage Splendeurs et misère du travail (2008). Le travail structure, en effet, nos échanges et notre rapport au monde.
La question de l’activité professionnelle est souvent la première de la conversation lorsque deux inconnus se rencontrent. Nous la posons aux très jeunes enfants (« Tu veux être quoi quand tu seras plus grand.e ? ») et ressentons parfois de la frustration lorsqu’ils se montrent (et c’est bien compréhensible !) incapables d’y répondre.
Le métier que nous avons choisi, le poste que nous occupons, notre formation… semblent constituer le cœur de notre identité. Peu de gens assument avec fierté d’être au chômage ou encore d’occuper une fonction jugée peu prestigieuse ou éloignée de leurs aspirations. En bref : dis-moi dans quoi tu bosses, je te dirai qui tu es.
Mais pourquoi le statut de travailleur occupe-t-il une place si prépondérante ? Que révèle-t-il sur l’individu (et sa place dans la société) de plus important que ses loisirs, ses goûts, son expérience de vie, sa famille, sa personnalité ?
L’hégémonie de l’emploi salarié s’explique, selon le sociologue Robert Castel, par le fait qu’il est « la matrice d’une condition sociale stable qui associe au travail des garanties et des droits ». Dans son essai « La fin du travail, un mythe démobilisateur » paru en 1998, il soulignait l’importance du lien entre citoyenneté et travail, tout en admettant déjà que « notre société est effectivement malade du travail ».
préférer l’ « être » au « faire »
Pourquoi serait-il bon d’en finir avec ce fameux « tu fais quoi dans la vie » ?
Se définir par son activité professionnelle, c’est exposer son identité à des fluctuations imprévisibles et donc à une précarité existentielle. Dans un article de Kate Morgan pour la BBC, la psychologue Janna Koretz évoque les « dangers » de se définir par son travail. Selon elle, faire dépendre de sa carrière son estime de soi peut rendre les obstacles rencontrés au travail beaucoup plus difficiles à surmonter.
D’une manière générale, réduire son identité à un seul aspect – quel qu’il soit – est problématique. Nous courons alors, en effet, le risque de nous objectifier. « Trop de gens qui travaillent dur et aspirent au succès s’auto-objectifient en tant qu’excellentes machines à travailler et outils de performance », déplore Arthur C. Brooks dans The Atlantic, pointant que cette attitude fait obstacle à la satisfaction et au bonheur.
Réduire notre humanité et notre valeur à une seule caractéristique (un physique, un emploi…) nous « chosifie » et abîme profondément notre bien-être, souligne l’auteur.
comment se définir demain ?
Pour contrer le « workism », soit cette tendance à nous définir par le travail et à l’investir d’une importance quasi-religieuse (phénomène nommé par le journaliste Derek Thompson), que faire ?
Considérer notre identité et celle d’autrui dans toute sa globalité et sa complexité constitue une première étape. Se rappeler que nous ne sommes pas que des choses ou des outils définis par notre utilité, notre fonction, mais bel et bien les sujets de notre propre vie, inestimables et irremplaçables. Arthur C. Brooks conseille aussi de prendre régulièrement des pauses. Par exemple, une journée par semaine où vous vous déconnectez complètement de votre travail pour vous consacrer au repos ou à un hobby qui vous tient à cœur. Mais aussi de s’entourer de personnes éloignées de votre cercle professionnel – plus enclines à poser sur vous un regard détaché de votre fonction.
Et pourquoi pas, faire preuve de créativité : plutôt que d’interroger votre interlocuteur sur ce qu’il fait dans la vie, demandez-lui ce qu’il aime faire de son temps libre, ce qui l’émeut, ce qu’il regrette, ce à quoi il aspire, ce qui le détend, ou même sa chanson préférée. Posez-lui la question que vous rêveriez qu’on vous pose ! En cas de panne d’inspiration, le site Buffer propose 27 alternatives à cette fameuse question, en anglais.
L’occasion de se rappeler non seulement que nous sommes riches de personnalités aux multiples facettes, mais aussi que d’innombrables aspects de notre vie peuvent lui donner un sens.
Et plus encore :
Envie de vous définir autrement que par votre travail ? Réveillez le storyteller qui sommeille en vous en vous essayant à l’art du pitch. Faites le point sur vos soft et/ou vos mad skills (littéralement « compétence folle », c’est ce talent atypique qui fait toute votre singularité) et glissez-les en phase d’ accroche. Résultat garanti !
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